Entretien réalisé le 04 juin 2008 chez Mme Curty avec la participation de M. et Mme Aguilar, Mme Minoret et Mme Gagliardi

Cet entretien pas comme les autres, a permis de réunir dans une ambiance chaleureuse, plusieurs familles résidant rue de Dijon depuis près de 40 ans !!! C’est donc chez Mme Curty autour de petits gâteaux et de jus de fruits que nous avons pu rencontrer ces familles véritables piliers de rue de Dijon.


Chacun à pu nous livrer à son tour une petite anecdote sur sa vie à Planoise.

  • Mme Aguilar
  1. « Dehors, on causait sur les bancs »
  2. « C’était un cadre agréable »
  3. « On était une famille, ça ne risquait rien »

La petite histoire :

A rue de Dijon, c’était la première fois que M. et Mme Aguilar habitaient en hauteur. En effet, au 7ième étage, Mme Aguilar avait peur de s’approcher du bord, c’est pourquoi elle a mis des fleurs sur le balcon pour se rassurer. Aujourd’hui après 40 ans ça va beaucoup mieux.


  • Mme Minoret
  1. « Je n’ai jamais voulu partir d’ici »
  2. « Les jeunes sont très polis »
  3. « Mais parfois les gens jettent tout par les fenêtres »

La petite histoire :

A son arrivée rue de Dijon en 1968, il n’y avait pas de commerces car ceux-ci étaient mobiles, les gens faisaient donc connaissance par le biais des commerçants.


  • Mme Gagliardi
  1. « On se promenait, on allait ramasser les fleurs avec les enfants près des fermes »
  2. « Les appartements étaient pour les grandes familles à rue de Dijon »

La petite histoire :

Mme Galiardi avait un petit chien, et elle a eu pendant un bon moment peur de sortir à cause d’un autre chien mais pas des plus sympathique : un pit-bull. Le chien était pourtant l’occasion de sortir et de papoter avec les voisins.


  • Mme Curty

Nous avons voulu retransmettre l’intégralité des propos de Mme Curty. Elle a préparé son témoignage sur son ordinateur. Notre petite visite lui a permis d'apprendre comment utiliser une clé USB puisque nous sommes repartis avec son texte:

"Nous arrivons à Planoise mi-août 1968. Mes premiers souvenirs sont surtout des souvenirs de discussions, d’actions collectives pour l’accélération de l’aménagement du quartier. Et la création de la CNL (Confédération Nationale du Logement) sur Planoise. La première réunion constitutive a eu lieu dans le hall de la rue de Dijon en octobre 1968. Le hall était plein à craquer. Mai 68 venait de montrer qu’ensemble on peut faire changer les choses.

Je me souviens du porte à porte pour expliquer aux habitants la nécessité de s’organiser. (250 adhésions en quelques mois).

  1. Une des premières revendications a été l’installation d’un poste de téléphone public - pour les quelques 500 premiers logements habités un seul téléphone privé. Un poste public à pièces sera installé au 3 rue de Dijon.
  2. pour les courses il faut guetter le passage des commerçants itinérants : un boulanger, l’UAC pour le lait, fromage, beurre, un boucher... pour le l’épicerie, la pharmacie il faut aller à St FERJEUX à pied, à vélo... ou le bus 1 toutes les heures, le dernier à 19 heures... Beaucoup de nouveaux locataires n’ont pas de voitures, ils vont s’endetter pour l’acheter...
  3. une délégation de femmes va aller voir le député Weimann pour qu’il appuie notre demande d’ouverture du “SUMA” (superette)
  4. Il y a aussi la demande d’éclairage et d’aménagement de la sortie de Planoise. La sortie - sur la rue de Dole - était une sortie de chantier - dangereuse surtout par mauvais temps et la nuit.
  5. une délégation de maman pour l’ouverture de la 4éme classe de la rue de Picardie.
  6. une action - pétition- contre la mise en place du surloyer que le gouvernement de Gaulle vient d’inventer. Les loyers sont déjà élevés et sont une lourde charge pour un grand nombre de "pionniers" de Planoise, même les militants gaullistes vont participer à la campagne de signatures...

Mon mari, ancien “gars du bâtiment”, est secrétaire général de l’Union Départementale CGT du Doubs. Moi je suis militante depuis 1960 du parti communiste.

Les grandes luttes de mai 68 ont fait avancer la conscience du “tout est possible ensemble“. Parmi les premiers habitants beaucoup d’ouvriers des grandes usines où depuis des mois les luttes se succèdent pour les salaires, les conditions de travail, contre l’autoritarisme des patrons et des chefs : 5 minutes de retard, 30 minutes en moins sur la paie - à l’époque peu de salaire au mois - on est payé à l’heure et même à la pièce.

En mai 1968, Jeune maman de 28 ans - pendant que les hommes luttaient dans les usines, les administrations... et battaient le pavé des rues de Besançon, moi je “faisais du porte à porte”, tous les matins - avec l’Huma - pour rencontrer et discuter avec les femmes - comme moi, qui restaient à la maison pour élever les enfants. Discuter surtout de la nécessité d’un programme commun, pour une union de toute la gauche contre une droite toute puissante, méprisante des “petites gens”. Voilà pourquoi dès notre arrivée à Planoise nous sommes prêts pour l’organisation collective. Claude avait une grande expérience de l’organisation collective (notamment syndicale) et moi j’avais l’énergie, la force de conviction, le désir de participer à faire de ce nouveau quartier un lieu de vie solidaire et amical.

Mai 2008, je suis toujours au 3 rue de DIJON ou nous avons élevé, éduqué nos 3 enfants.

J’aime ce quartier jeune et vivant. Dommage que la misère, compagne d’un chômage qui dure depuis trop d’années, isole beaucoup d’habitants dans leurs problèmes.

Mais rue de Dijon nous restons fidèles à notre tradition : quand quelque chose ne va pas nous agissons ensemble ! HIER 4 juin 2008, j’ai participé à la réunion de l’Office municipal d’HLM - un immeuble, un quartier, 1 rue de Franche-Comté à 18 heures et à une réunion pour la préparation du prochain conseil de quartier (20 heures à Mandela), ce matin je suis intervenu auprès de l’agence HLM pour des problèmes de voisinage, je n’étais pas directement concernée mais je continue dans l’esprit de 68 : se soutenir et agir pour aider au vivre ensemble."



Apres tous ces témoignages qui ont montré la joie de vivre de plusieurs personnes vivant sur le quartier depuis 40 ans, nous nous quittons sur un petit cours improvisé de cuisine où nous apprenons à farcir des encornets.